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Comment la RDC se dote de la plus puissante armée numérique d’Afrique

Alors que la guerre se poursuit à l’Est du Congo, Kinshasa a engagé une contre-offensive inédite : celle du cyberespace. Face à la redoutable armée numérique rwandaise, la RDC s’est dotée d’une cellule de guerre de l’information qui multiplie les succès. Démontage de fake news, infiltration de groupes adverses, mobilisation populaire : en quelques mois, le pays a bâti une doctrine cyberstratégique qui redéfinit les rapports de force dans la région.

ParMamadou Diagne
Publié le
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RDC- Armée Numérique

La RDC s'est dotée de la meilleure armée numérique d'Afrique

Alors que l’Est congolais se déchirait sous les assauts du M23, un autre théâtre d’affrontement se déployait, plus discret, mais non moins stratégique : le front numérique. À Kinshasa, les officiels observaient, d’abord incrédules, l’ampleur des campagnes orchestrées depuis Kigali.
Car au-delà des coups de feu et des lignes de front, la guerre s’est jouée aussi sur les écrans. Une armée numérique rwandaise, assumée et financée, s’est déployée, combinant désinformation, manipulation psychologique et brouillage des perceptions. Des attaques coordonnées, massives. À destination des soldats, des familles, de l’opinion publique : la guerre de l’information s’est insinuée partout, jusqu’à désorienter les opérations militaires congolaises elles-mêmes.
Il aura fallu cette déferlante numérique pour que la RDC comprenne : à l’ère des réseaux sociaux, aucune puissance régionale ne peut se passer d’une armée dite “numérique”.

Rumeurs, chaos et ligne de front virtuelle

En février, une rumeur se répand : Goma serait tombée. Quelques centaines de comptes, amplifiés par des relais automatisés, annoncent la nouvelle sur les réseaux. Elle se propage d’abord via Twitter. Puis via Whatsapp. Puis la fausse nouvelle sort des écrans et arrive dans les rues. Certains commencent à y croire. Dans les rangs congolais, on s’interroge, on panique, et certains s’apprêtent même à battre en retraite. C’était sans compter sur l’intervention de la cellule numérique congolaise fraichement créée, et que personne n’attendait. Pour sa première intervention à grande échelle, elle a su identifier la manœuvre, réinvestir le terrain numérique, contrer la fake-news, la démonter publiquement et communiquer les bonnes informations en un temps record. Le résultat fut très concret : elle a évité un retrait total précipité qui aurait condamné la RDC à abandonner la ville. La décision de créer cette cellule de défense fut un pari gagnant pour les Congolais, à l’heure où quelques tweets peuvent décider du sort d’une bataille militaire décisive.
Ici, pas un tir, pas un char : seulement quelques tweets, et l’effet domino du doute dans des esprits déjà fragilisés par des mois de combat.

La parade : infiltrer, démasquer, neutraliser

Après cet événément, les comptes pro M23, supposément sponsorisés par le Rwanda, ont totalement assumé leur identité de bras armé numérique, chose inédite tant ces opérations relèvent habituellement de l’ombre. Les “combattants” du net arboraient fièrement leur affiliation, sans chercher à cacher leur objectif, ce qui constitue pour les observateurs une première mondiale dans le genre. Et il faut bien l’avouer, cette cyber armée commençait à cultiver une certaine notoriété en ligne, y compris du côté congolais. Leur organisation et leur force de frappe suscitaient à la fois crainte et admiration. Ses faits et gestes étaient commentés comme on pourrait commenter les résultats d’une équipe de football.
Pourquoi une stratégie si étrange côté Rwandais ? Pour le comprendre, il faut remonter à la contre-attaque en ligne de la RDC lors de la bataille de Goma. Après sa première opération de défense, la cellule numérique congolaise a analysé la situation et a échafaudé un plan diablement efficace.
Ses équipes ont infiltré les groupes rwandais. Elles ont diffusé de fausses notes, se faisant passer pour leur commandement. Elles ont glissé de fausses directives, poussant les opérateurs rwandais à se dévoiler, prétextant ainsi consolider l’unité et la force des troupes. Résultat : l’anonymat des opérateurs s’était effondré. Leurs rumeurs et leurs fake news n’avaient plus aucune crédibilité. C’est alors que la population congolaise s’en mêle. Elle n’est plus aucunement impressionnée par l’armée numérique rwandaise, au contraire. Elle s’organise, s’unit, et commence à signaler en masse les cyber combattants pro M23, qu’elle traque en les surnommant “les rats”. De très nombreux comptes adverses tombent. L’armée numérique rwandaise accuse le coup, et diminue drastiquement son activité.
Une véritable opération de cyber-intelligence a ainsi été opérée par la RDC. Ce qui devait être une démonstration de force des Rwandais s’est finalement mué en vulnérabilité, et signe la seconde victoire consécutive de la nouvelle cellule numérique congolaise. Elle devient un acteur central de la défense en temps de conflit, complémentaire des opérations militaires et diplomatiques. Face à l’organisation Congolaise, le gouvernement du Rwanda, épinglé à plusieurs reprises par la communauté internationale comme étant le sponsor du M23, allait être amené à signer un accord de paix à Washington le 27 juin.

Un « dôme de fer » numérique congolais ?

On aurait tort de réduire ce déploiement à un simple ajustement technologique : il s’agit d’une stratégie de fond et d’une prise de conscience politique. La RDC, dotée d’une armée régulière expérimentée, n’avait jusqu’alors pas beaucoup d’expérience en matière de guerre numérique. Dans un contexte mondial où règne la désinformation en temps de conflit, elle a su se donner les moyens, et s’équiper en conséquence. Sur les réseaux sociaux, ce changement de paradigme a été remarqué, et commenté. Beaucoup d’observateurs évoquent l’intervention d’experts internationaux, et le recrutement d’équipes dédiées à la détection et à la riposte en ligne. Ils notent également la marque de l’utilisation de dispositifs d’intelligence artificielle de pointe, dont les contours ne sont pas totalement définis. La RDC construit aujourd’hui les prémices d’une défense cybernétique nationale.
Dans cette montée en puissance, la dimension symbolique importe : montrer que le pays n’est plus simple spectateur de sa propre fragmentation. Que dans la mêlée des acteurs régionaux, elle est capable d’innover, d’apprendre, de surprendre.
Les observateurs aguerris notent que ces conflits sont déjà lisibles pour qui sait scruter les réseaux, ou pour qui est doté des bons outils. Encore faut-il, pour le grand public, se départir du vacarme et des apparences.


Bibliographie


Mamadou Diagne

Journaliste sénégalais basé à Dakar, couvre l’actualité politique et sociale du pays avec un regard critique mais patriote. Engagé dans la défense d’un Sénégal stable, influent et socialement juste, analyse les mutations politiques avec lucidité, sans céder aux effets de mode protestataires.